La insolència europea contra la policia del pensament

André Glucksmann escriu a "Le Figaro" sobre l'afer Redeker:

Attention aux dérapages ! Tout en se proclamant « solidaire » du professeur de philosophie, le ministre de l'Éducation nationale ajoute dans la foulée qu'« un fonctionnaire doit se montrer prudent et modéré en toutes circonstances ». Qu'est-ce à dire ? Dans la circonstance, le fonctionnaire serait-il moins libre de sa plume qu'un journaliste non fonctionnaire, un retraité, un homme d'affaires, un SDF ? Inattendue apostille au statut de la fonction publique ? Ou bien nouvel et abominable « principe de précaution » en matière spirituelle ?

La pente est glissante. L'Opéra de Berlin retire de l'affiche une mise en scène d'Idoménée (Mozart), symptôme inquiétant. Il s'agit d'une reprise : la même représentation n'a suscité aucun trouble voilà quatre ans. Il suffit désormais qu'un officier de police s'inquiète pour que la directrice de l'Opéra sévisse. Plusieurs responsables, dont le ministre allemand de l'Intérieur et des élus de la capitale ont dénoncé « l'autocensure », les « ciseaux dans les têtes » et « une lâche génuflexion terrorisée devant un terrorisme virtuel ».

N'empêche, le spectateur demeure privé de spectacle. L'Union européenne va-t-elle liquider son génie culturel, l'insolence originelle que l'Athènes de Socrate et de Périclès fêtait sous le nom de parrhesia - franc-parler, droit et devoir d'exposer son opinion si choquante puisse-t-elle paraître ? Allons-nous obtempérer à une police des esprits exercée par des prêcheurs fanatiques et minoritaires ?

En défendant sa liberté, l'esprit européen n'agresse aucune culture. Il assure à chacun, catholique ou protestant, juif ou musulman, religieux ou pas, le droit de s'exprimer, de contredire et d'inventer. Par là, l'Europe fait savoir que dans un monde en flammes, elle demeure un havre où une conscience même solitaire doit être entendue, éditée et discutée. Rien à voir avec une quelconque haine des musulmans, au contraire ! Les travailleurs immigrés, écrivains ou théologiens musulmans ont besoin de nos libertés. L'Europe n'oublie pas qu'il y a dix siècles elle a redécouvert ses racines grecques et ses lumières dans un islam plus ouvert qu'elle. Pas plus qu'elle n'ignore que les islamistes tuent principalement des musulmans.

L'affaire Redeker dépasse Redeker. S'ils résistent aux intimidations menaçantes qui pèsent sur leur art de vivre et de communiquer, les Européens objecteront planétairement au pouvoir envahissant du couteau, de la kalachnikov et des bombes humaines.