Premièrement, les critiques que l'on pouvait entendre au milieu de la décennie précédente sur une militarisation du Sahel sous couvert de lutte fictive contre le terrorisme, et adressées aux États-Unis, montrent aujourd'hui l'aveuglement qui a longtemps abouti à ignorer la lutte engagée par l'islamisme au niveau planétaire. En réalité, le Sahel n'est qu'une case de l'échiquier mondial, une région de combat potentielle parmi d'autres à partir de l'instant où un vide sécuritaire permet l'arrivée de djihadistes en nombre important. C'est parce que les islamistes ont subi une déroute en Irak et encaissé des pertes importantes en Afghanistan que d'autres cases de l'échiquier, c'est-à-dire d'autres théâtres d'opération, ont gagné en importance - comme le Yémen, la Somalie, et donc le Sahel.
L'approche indirecte retenue par les États-Unis, passant par le développement des forces armées nationales, a montré ses limites avec l'effondrement de l'armée malienne sous les coups de boutoir des islamistes et de leurs alliés touaregs. La France, qui a également mis à profit de la discrétion et de la polyvalence de ses forces spéciales, a eu plus de succès en allant davantage dans le sens d'un engagement commun, par exemple en Mauritanie. L'opération "SERVAL" est aujourd'hui la concrétisation de cette démarche. Dans la perspective d'une interdiction stratégique, c'est-à-dire en vue d'empêcher le maintien d'un sanctuaire islamiste au Sahel, l'engagement des quelque 2500 militaires annoncés par Paris semble un bien meilleur investissement que celui fait depuis plus de 10 ans en Afghanistan, en essayant de transformer ce pays en un État moderne et démocratique au lieu simplement d'en déloger les djihadistes et d'en contenir les taliban les plus extrêmes.
Deuxièmement, l'escalade des hostilités au Mali rappelle que la montée en puissance des organisations non étatiques est immensément facilitée par le démantèlement des organisations étatiques. Personne ne regrettera le régime du colonel Kadhafi, qui a été longtemps un acteur important du terrorisme international et s'est investi dans le domaine des armes de destruction massive ; pas plus que le régime de Saddam Hussein ou, le cas échéant, celui du clan Assad. Mais ces régimes autocratiques exercent un contrôle de leur population comme de leur espace tellement orientée vers leur propre survie que leur chute rend particulièrement difficile la transition vers un autre gouvernement, et offre ainsi des opportunités aux mouvances idéologiques, aux réseaux criminels ou encore aux structures claniques pour prendre ou reprendre une portion du pouvoir.
En d'autres termes, les opérations militaires visant à renverser un régime établi doivent être conçues dans la perspective de l'établissement d'un gouvernement raisonnablement légitime aux yeux de ses administrés, au service d'un État raisonnablement uni, et disposant des moyens de garantir la sécurité et la stabilité sur son territoire. Il est dès lors frappant de constater que les erreurs commises par les États-Unis en Irak, après avoir sous-estimé l'ampleur et la difficulté de la phase succédant au conflit conventionnel, ont été largement reproduites par la France et par le reste de la communauté internationale dans le cas de la Libye. Les proportions ne sont pas les mêmes, et le Sahel n'est pas un objectif comparable à Bagdad dans l'imaginaire islamiste, mais les espaces sont gigantesques et les États qui les partagent sont d'une fragilité avérée.
(Josep Pla)
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